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Antigone (Anouilh)

Source: Wikipédia, mais plus beau visuellement
Antigone
Auteur Jean Anouilh
Pays Drapeau de la France France
Genre Théâtre
Éditeur Éditions de la Table ronde
Collection La Petite Vermillon
Lieu de parution Paris
Date de parution 1946
Nombre de pages 128[1]
Date de création
Metteur en scène André Barsacq
Lieu de création Théâtre de l'Atelier

Antigone est une pièce en un acte de Jean Anouilh représentée pour la première fois au théâtre de l'Atelier à Paris le , durant l'Occupation allemande, dans une mise en scène, des décors et des costumes d'André Barsacq. Réécriture de la pièce éponyme de Sophocle, elle fait partie de la série des Nouvelles Pièces noires, avec Jézabel (1932), Roméo et Jeannette (1946) et Médée (1953).

La pièce est inspirée du mythe antique d'Antigone, la fille d'Œdipe, mais est écrite en rupture avec les codes de la tragédie grecque :

« L'Antigone de Sophocle, lue et relue, et que je connaissais par cœur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi pendant la guerre, le jour des petites affiches rouges[N 1]. Je l'ai réécrite à ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre. »

— Jean Anouilh[2].

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Antigone

Antigone

Antigone est un nom propre d'origine grecque qui peut désigner :

Jean Anouilh

Jean Anouilh

Jean Anouilh est un dramaturge et scénariste français né le 23 juin 1910 à Bordeaux (Gironde) et mort le 3 octobre 1987 à Lausanne (Suisse). Son œuvre théâtrale commencée en 1932 est particulièrement abondante et variée : elle est constituée de nombreuses comédies souvent grinçantes et d'œuvres à la tonalité dramatique ou tragique comme sa pièce la plus célèbre, Antigone, réécriture moderne de la pièce de Sophocle.

4 février

4 février

Le 4 février est le 35e jour de l'année du calendrier grégorien.

Février 1944

Février 1944

Les événements concernant la Seconde Guerre mondiale sont détaillés dans l'article Février 1944.

1944 au théâtre

1944 au théâtre

André Barsacq

André Barsacq

André Barsacq est un metteur en scène, réalisateur et dramaturge français, né le 5 février 1909 à Théodosie (Crimée) et mort le 3 février 1973 à Paris. Il fut également décorateur, scénographe, animateur et directeur de théâtre.

Antigone (Sophocle)

Antigone (Sophocle)

Antigone est une tragédie grecque de Sophocle dont la date de création se situe en 441 av. J.-C. Elle appartient au cycle des pièces thébaines, avec Œdipe roi et Œdipe à Colone, décrivant le sort tragique d'Œdipe et de ses descendants.

Jézabel (Anouilh)

Jézabel (Anouilh)

Jézabel est une pièce en trois actes de Jean Anouilh composée en 1932 et créée en 1942 à Rio de Janeiro, jamais représentée en France.

Roméo et Jeannette

Roméo et Jeannette

Roméo et Jeannette est une pièce de théâtre en quatre actes de Jean Anouilh, écrite en 1945 et créée au Théâtre de l'Atelier (Paris) le 20 novembre 1946 dans une mise en scène d'André Barsacq.

Médée (Anouilh)

Médée (Anouilh)

Médée est une tragédie de Jean Anouilh écrite et publiée dans les Nouvelles pièces noires en 1946 et créée au Kammerspiele de Hambourg le 2 novembre 1948 dans une mise en scène de Robert Michael. En France, sa création n'a eu lieu que quatre ans et demi plus tard, le 28 mars 1953, au Théâtre de l'Atelier, dans une mise en scène d'André Barsacq.

Mythologie

Mythologie

La mythologie est soit un ensemble de mythes liés à une civilisation, une religion ou un thème particulier, soit l'étude de ces mythes. Les chercheurs qui étudient les mythologies sont appelés « mythologues ».

Affiche rouge

Affiche rouge

L’Affiche rouge est une affiche de propagande allemande placardée massivement en France sous l'Occupation, dans le contexte de la condamnation à mort de 23 membres des Francs-Tireurs et Partisans – Main-d'Œuvre Immigrée (FTP-MOI), résistants de la région parisienne, dont 10 sont représentés sur l'affiche. Sur les 23 fusillés après leur arrestation le 21 février 1944, 8 étaient Polonais et c'était le cas aussi de 4 des 10 de l'Affiche rouge.

Résumé

Antigone est la fille d'Œdipe et de Jocaste (mère et épouse d'Œdipe), souverains de Thèbes. Après le suicide de Jocaste et l'exil d'Œdipe, les deux frères d'Antigone, Étéocle et Polynice, se sont entre-tués pour le trône de Thèbes. Créon, frère de Jocaste, est — à ce titre — le nouveau roi et a décidé de n'offrir de sépulture qu'à Étéocle et non à Polynice, qualifié de voyou et de traître. Il avertit par un édit que quiconque osera enterrer le corps du renégat sera puni de mort. Personne n'ose braver l'interdit et le cadavre de Polynice est abandonné au soleil et aux charognards.

Seule Antigone refuse cette situation. Malgré l'interdiction de son oncle Créon, elle se rend plusieurs fois auprès du corps de son frère et tente de le recouvrir avec de la terre. Ismène, sa sœur, ne veut pas l'accompagner car elle a peur de Créon et de la mort.

Antigone est prise sur le fait par les gardes du roi. Créon est obligé d'appliquer la sentence de mort à Antigone. Après un long débat avec son oncle sur le but de l'existence, celle-ci est condamnée à être enterrée vivante. Mais au moment où le tombeau va être scellé, Créon apprend que son fils, Hémon, fiancé d'Antigone, s'est laissé enfermer auprès de celle qu'il aime. Lorsque l'on rouvre le tombeau, Antigone s'est pendue avec sa ceinture et Hémon, crachant au visage de son père, s'ouvre le ventre avec son épée. Désespérée par la disparition du fils qu'elle adorait, Eurydice, la femme de Créon, se tranche la gorge.

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Œdipe

Œdipe

Œdipe est un héros de la mythologie grecque. Il fait partie de la dynastie des Labdacides, les rois légendaires de la ville de Thèbes. Fils de Laïos et de Jocaste, Œdipe est principalement connu pour avoir résolu l'énigme du sphinx et pour s'être rendu involontairement coupable de parricide et d'inceste. Sa légende a beaucoup inspiré les arts pendant et après l'Antiquité, sa postérité ayant été très influencée par les visions du mythe que donnent les tragédies grecques. À l'époque contemporaine, la figure d'Œdipe a également été utilisée pour illustrer le complexe dit d'Œdipe en psychanalyse.

Jocaste

Jocaste

Dans la mythologie grecque, Jocaste, Iocaste ou Épicaste dans l’Odyssée, fille de Ménœcée et sœur de Créon, est l'épouse de Laïos, puis de son propre fils, Œdipe, de qui elle aura quatre enfants, deux garçons, Étéocle et Polynice, et deux filles, Ismène et Antigone. Elle se pend lorsqu'elle apprend la vérité des liens l'unissant à Œdipe.

Étéocle

Étéocle

Dans la mythologie grecque, Étéocle est le fils du mariage incestueux d'Œdipe et Jocaste, et le frère de Polynice, Ismène et Antigone.

Polynice

Polynice

Dans la mythologie grecque, Polynice est un des fils qu'Œdipe a avec sa mère Jocaste, frère d'Étéocle, d'Antigone et d'Ismène. Il est marié à Argie, de qui il a Thersandre, Adraste et Timéas.

Créon (Thèbes)

Créon (Thèbes)

Dans la mythologie grecque, Créon, le fils de Ménécée et frère de Jocaste, assure la royauté de Thèbes à trois reprises : après la mort de son beau-frère Laïos, puis après la disgrâce d'Œdipe, second époux de Jocaste, et enfin après la mort d'Étéocle et Polynice, fils d'Œdipe.

Ismène

Ismène

Dans la mythologie grecque, Ismène est l'un des enfants nés de l'inceste involontaire d'Œdipe et de sa mère Jocaste. Elle a deux frères Étéocle et Polynice, et une sœur, Antigone.

Eurydice (Thèbes)

Eurydice (Thèbes)

Dans la mythologie grecque, Eurydice est la femme de Créon, le régent de Thèbes. Ils ont trois enfants : Mégara, Ménécée et Hémon.

Rédaction et production

Jean Anouilh a écrit la pièce entre 1941 et 1942, selon ses propres mots « à la lueur des premiers attentats terroristes[N 2], mais surtout comme une variation, à partir du chef-d’œuvre de Sophocle, sur le pouvoir et la révolte[3]. » Un de ces événements marquants est l'assassinat raté de Pierre Laval et Marcel Déat par le résistant Paul Collette le . Cet acte d'engagement perçu comme voué à l'échec semble avoir été un élément majeur dans le développement du personnage-titre[4],[3],[5].

Comme il l'explique dans la préface de la première édition, Anouilh, qui admirait la pièce de Sophocle depuis son adolescence[6], trouve pendant la guerre que ses thèmes – l'individu qui se dresse contre des forces qui le dépassent – prennent un autre éclairage. Contrairement à l’auteur classique qui mettait en scène la lutte des hommes contre les dieux et le destin, Anouilh humanise le vain combat de ses personnages, les forces en présence étant tout ce qu'il y a de plus humaines : l'hypocrisie, l'égoïsme et l'orgueil[3],[7].

Après la validation de l'administration nazie sur la censure[3], la pièce est pour la première fois mise en scène le au Théâtre de l’Atelier par André Barsacq. Ami de l'auteur, il a mis en scène plusieurs de ses pièces, comme Le Bal des voleurs (1938), Le Rendez-vous de Senlis (1941) ou Eurydice (1941). Barsacq est aussi le créateur des décors et des costumes, volontairement modernes[8] : le roi Créon a abandonné la toge pour un frac ; Antigone et Ismène portent des robes épurées, respectivement noires et blanches ; les gardes portent de longs cirés noirs (semblables à ceux que portaient les miliciens ou les membres de la Gestapo)[7],[3].

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Pierre Laval

Pierre Laval

Pierre Laval, né le 28 juin 1883 à Châteldon (Puy-de-Dôme) et mort exécuté le 15 octobre 1945 à la prison de Fresnes (Seine), est un homme d'État français.

Marcel Déat

Marcel Déat

Marcel Déat, né à Guérigny (Nièvre) le 7 mars 1894 et mort à Turin (Italie) le 5 janvier 1955, est un homme politique français, socialiste, puis néo-socialiste, puis d'extrême droite, figure de la Collaboration pendant l'Occupation.

Paul Collette

Paul Collette

Paul Collette, né le 12 août 1920 à Mondeville (Calvados) et mort le 5 janvier 1995 à Bonsecours (Seine-Maritime), est un résistant français, ancien camelot du roi. Il est connu pour avoir tiré contre des personnalités du régime de Vichy, notamment Pierre Laval et Marcel Déat, le 27 août 1941 à Versailles lors d'une manifestation de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme.

Sophocle

Sophocle

Sophocle, né à Colone en -495 et mort en -406, est l'un des trois grands dramaturges grecs dont l'œuvre nous est partiellement parvenue, avec Eschyle et Euripide. Il est principalement l'auteur de cent vingt-trois pièces, mais dont seules huit nous sont parvenues. Cité comme paradigme de la tragédie par Aristote, notamment pour l'usage qu'il fait du chœur et pour sa pièce Œdipe roi, il remporte également le nombre le plus élevé de victoires au concours tragique des grandes Dionysies (dix-huit), et n'y figure jamais dernier.

Censure

Censure

La censure est la limitation arbitraire de la liberté d'expression par un pouvoir sur des livres, médias ou diverses œuvres d'art, avant ou après leur diffusion au public.

André Barsacq

André Barsacq

André Barsacq est un metteur en scène, réalisateur et dramaturge français, né le 5 février 1909 à Théodosie (Crimée) et mort le 3 février 1973 à Paris. Il fut également décorateur, scénographe, animateur et directeur de théâtre.

Le Bal des voleurs

Le Bal des voleurs

Le Bal des voleurs est une pièce de théâtre (« comédie-ballet ») de Jean Anouilh créée au théâtre des Arts de Paris le 19 septembre 1938 dans une mise en scène d'André Barsacq.

Le Rendez-vous de Senlis

Le Rendez-vous de Senlis

Le Rendez-vous de Senlis est une pièce de théâtre de Jean Anouilh créée au théâtre de l'Atelier (Paris) le 30 janvier 1941 dans une mise en scène d'André Barsacq.

Eurydice (Anouilh)

Eurydice (Anouilh)

Eurydice est une pièce de théâtre de Jean Anouilh créée au théâtre de l'Atelier (Paris) le 18 décembre 1942 dans une mise en scène et des décors d'André Barsacq.

Queue-de-pie

Queue-de-pie

Une queue-de-pie est un vêtement de cérémonie court devant et à longues basques terminées en pointe derrière qui arrivent au niveau des genoux. Elle est généralement caractérisée par le fait qu'elle ne s'attache pas et que ses pans sont en satin.

Milice française

Milice française

La Milice française, généralement simplement appelée la Milice, était une organisation politique et paramilitaire française créée le 30 janvier 1943 par le régime de Vichy, en réponse à une exigence formulée par Adolf Hitler à Pierre Laval le 19 décembre 1942. Supplétifs de la Gestapo et des autres forces allemandes, les miliciens participèrent à la traque des Juifs, des réfractaires au STO et de tous les autres « déviants » dans la France occupée. La Milice était ainsi à la fois une police politique et une force de maintien de l’ordre.

Gestapo

Gestapo

La Gestapo, acronyme tiré de l'allemand Geheime Staatspolizei signifiant « Police secrète d'État », était la police politique du Troisième Reich. Fondée en Prusse par Hermann Göring, son pouvoir s'étendit ensuite, sous l'impulsion de Heinrich Himmler, à l'ensemble du Reich et des territoires envahis par ce dernier au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Personnages

Arbre généalogique d'Antigone.
Arbre généalogique d'Antigone.

Personnages principaux

  • Antigone : fille d'Œdipe, sœur d'Étéocle, Polynice et Ismène, cette jeune fille est l'héroïne de la pièce. Elle est décrite comme « pas assez coquette » par son entourage. Mais cela ne l'empêche pas d'avoir une volonté de fer (ce qui la poussera à affronter son oncle Créon en essayant d'enterrer son frère).
  • Créon : frère de Jocaste, légitime roi de Thèbes après la mort des deux princes ennemis, Créon est un souverain âgé, réfléchi et courageux. Il nous est décrit comme étant seul ( « Créon est seul »), se consacrant ainsi entièrement à son règne dont il assume les sacrifices nécessaires comme la punition de Polynice ou l'exécution d'Antigone.
  • Ismène : sœur d'Antigone qu'elle aime beaucoup ( « Si vous la faites mourir, il faudra me faire mourir avec elle ! »), mais qui n'est pas très courageuse avant la fin de l'histoire. Néanmoins, elle reste une belle jeune fille « coquette » et raisonnable (« J'ai raison plus souvent que toi ! »).
  • Hémon : fils de Créon et d'Eurydice, fiancé d'Antigone à laquelle il est très fidèle (« Oui Antigone, je t'aime comme une femme »); fidélité qui le conduira au suicide lorsque cette dernière meurt sur les ordres de Créon. Ce fait le poussera également à mépriser son père, qu'il admirait beaucoup auparavant.

Personnages secondaires

  • La Nourrice : vieille dame également appelée « Nounou » par les filles dont elle s'occupe.
  • Le Prologue/Chœur : issue des pièces de théâtre de la Grèce antique, cette « entité » intervient au début du texte pour nous narrer le contexte de la pièce et nous présenter les personnages qui y évoluent. Dès le début, il révèle en avance la fin tragique des personnages. Il réapparait par la suite tout au long de la pièce pour faire avancer le récit ou amener un personnage à la réflexion.
  • Eurydice : femme de Créon qui passe ses journées à tricoter des habits pour les pauvres de Thèbes. Ces derniers « auront froid » à la fin de la pièce car elle se tranche la gorge en apprenant la mort de son fils.
  • Les trois gardes : chargés de surveiller le cadavre de Polynice.
  • Le page du roi
  • Le messager

Accueil

En 1944

L’accueil est plutôt favorable[7], certains voyant en Antigone l’allégorie de la nécessaire rébellion contre l'ordre injuste[9],[6]. Simone Fraisse écrit que « l'esprit de la Résistance s'est reconnu en elle[10]. »

Antigone rencontre un grand succès public[6], surtout compte tenu des conditions difficiles dans lesquelles avaient lieu les représentations (théâtre non-chauffé, coupures de courant, etc.)[11]. Anouilh se rappelle que « la salle était pleine tous les soirs, il y avait beaucoup d’officiers et de soldats allemands. Que pensaient-ils ? Plus perspicace, un écrivain allemand, Friedrich Sieburg, l’auteur de Dieu est-il Français ?, alerta, m’a-t-on dit, Berlin, disant qu’on jouait à Paris une pièce qui pouvait avoir un effet démoralisant sur les militaires qui s’y pressaient. Barsacq fut aussitôt convoqué à la Propagandastaffel où on lui fit une scène très violente, l’accusant de jouer une pièce sans avoir demandé l’autorisation. C’était grave. Barsacq fit l’imbécile innocent, la pièce avait été autorisée en 1941 – il montra son manuscrit tamponné et on retrouva le second exemplaire dans le bureau voisin. Les autorités allemandes ne pouvaient pas se déjuger sans perdre la face. On lui suggéra cependant d’arrêter la pièce[11],[N 3]. »

La presse généraliste exprime son enthousiasme quant à la réécriture d'un classique tel qu'Antigone. Dans L'Illustration, Olivier Queant estime que « depuis Racine, l’on avait rien écrit d’aussi beau, d’aussi grand et d’aussi profondément humain[12] », tandis que Jean Sauvenay ajoute dans Hier et demain qu'« on n'a jamais si bien trahi Sophocle, délibérément du reste. […] Giraudoux et Cocteau ont rajeuni, renouvelé des thèmes éternels. Anouilh, tout en suivant de très près le théâtre antique, l'a complètement transformé ; il lui a insufflé un autre esprit[13]. » Seul Roland Purnal affirme qu'il n'a « jamais assisté a un spectacle aussi pénible, aussi cruellement ridicule et vide de sens[6] » (Comœdia, )[7]. D'un point de vue technique, les décors et les costumes modernes, ainsi que les performances des comédiens sont largement salués[6].

Antigone partage l'opinion quant à sa portée symbolique, chacun semblant voir dans sa morale quelque chose de différent. Alors que les uns estiment qu'elle encouragerait la collaboration par l’humanisation du personnage de Créon, les autres perçoivent dans la mort d'Antigone le refus du compromis avec l'ennemi[4]. Des journaux d'extrême-droite, comme Je suis partout, saluent la pièce pour sa fin (l’écrasement de la révolte et le rétablissement de l'ordre) : « Antigone petite déesse de l'anarchie, en se dressant contre la loi de Créon, ne sera plus seulement le droit naturel en révolte contre le droit social, mais aussi la révolte de la pureté contre les mensonges des hommes, de l'âme contre la vie, une révolte insensée et magnifique, mais terriblement dangereuse pour l'espèce, puisque dans la vie des sociétés elle aboutit au désordre et au chaos, et dans la vie des êtres, elle aboutit au suicide » (Alain Laubreaux, )[14]. D'autres, comme le journal résistant Les Lettres françaises, estiment quant à eux que la pièce favorise la connivence avec les Allemands, par le pessimisme qui s'en dégage :

« Entre Créon et Antigone s'établit un accord parfait, une trouble connivence. [Parce qu'elle méprise les hommes], Antigone court au suicide. Parce qu'il les méprise, Créon les opprime et les mate. Le tyran glacé et la jeune fille exaltée étaient faits pour s'entendre… L'accent désespéré de l'Antigone de Jean Anouilh risque de séduire certains dans ce temps où il s'élève, au temps du mépris et du désespoir. Mais il y a dans le désespoir et dans le refus, et dans l'anarchisme sentimental, et total d'un Anouilh et de ses frères d'armes et d'esprit, le germe de périls infiniment graves… A force de se complaire dans le “désespoir” et le sentiment de tout, de l'inanité et de l'absurdité du monde, on en vient à accepter, souhaiter, acclamer la première poigne venue. »

— Claude Roy, mars 1944[14]

Interrompues au mois d’août pendant la Libération de Paris, les représentations reprennent fin septembre. Et, à travers le prisme de la France libérée, certaines voix reprochent à Anouilh une complaisance envers l'occupant[3], symbolisée selon ses détracteurs par le personnage de Créon, certains d'entre-eux reconnaissent en lui le maréchal Pétain. En effet, Créon n'est plus le tyran de Sophocle, mais un roi pragmatique, écrasé par le devoir qu'il a envers son peuple et tiraillé par l'amour qu'il a pour sa nièce. Pour André Breton, Antigone « est une pièce ignoble, œuvre d'un Waffen-SS »[15] (Les Lettres françaises, 1944)[7].

Plusieurs personnalités viennent à la rescousse d'Anouilh et de son Antigone. Le général Koenig, maréchal de France et compagnon de la Libération, s'exclame « c’est admirable ! » à la fin d'une représentation, et Pierre Bénard écrit en septembre 1944 dans Le Front national (journal à tendance communiste) : « Certains de mes amis avaient dénoncé […] une inspiration qu’ils estimaient hitlérienne. Pour ma part j’y avais trouvé un accent antifasciste. Je ne peux pas me résoudre à voir dans Antigone une œuvre vouée à la dictature[7],[6]. »

Postérité

Dans le roman Le Quatrième Mur de Sorj Chalandon, prix Goncourt des lycéens 2013, l'histoire s'articule autour de cette pièce et du projet de la monter à Beyrouth, dans les années 1980, durant la guerre du Liban[16].

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Allégorie

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Le terme allégorie consiste à exprimer une pensée sous une forme imagée afin de faire comprendre, sous le sens littéral, un autre sens, qui est celui visé par le texte. Les deux sens doivent se maintenir de façon cohérente dans une allégorie.

Friedrich Sieburg

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Friedrich Sieburg, né le 18 mai 1893 à Altena et mort le 19 juillet 1964 à Gärtringen, est un journaliste, écrivain et critique littéraire allemand.

Classique (dans les arts)

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Un classique est un artiste ou une œuvre d'art qui fait autorité dans son domaine, qui est devenu une référence. Il ne faut pas confondre ce sens avec l'emploi du mot comme adjectif en référence à une période artistique précise, comme le classicisme en littérature française ou la musique classique, ou à une époque historique, comme l'époque classique en Grèce antique. On parle des classiques de la littérature, de la peinture ou de la musique, mais aussi, le terme s'étant étendu aux arts plus récents, des classiques du cinéma, de la bande dessinée, etc.

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Jean Racine, né le 22 décembre 1639 à La Ferté-Milon et mort le 21 avril 1699 à Paris, est un dramaturge et poète français.

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Hippolyte Jean Giraudoux, né le 29 octobre 1882 à Bellac et mort le 31 janvier 1944 à Paris 7e, est un écrivain et un diplomate français.

Jean Cocteau

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Clément Eugène Jean Maurice Cocteau, né le 5 juillet 1889 à Maisons-Laffitte et mort le 11 octobre 1963 dans sa maison à Milly-la-Forêt, est un poète, peintre, dessinateur, dramaturge et cinéaste français.

Comœdia (journal)

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Comœdia est un journal culturel de presse écrite français fondé par Henri Desgrange, ayant paru du 1er octobre 1907 au 6 août 1914 et du 1er octobre 1919 au 1er janvier 1937 comme quotidien.

Collaboration en France

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La collaboration en France est, entre 1940 et 1944, l'action et le travail commun, menés de façon choisie par le régime de Vichy dirigé par Philippe Pétain et notamment mis en œuvre par Pierre Laval, avec l'Allemagne nazie occupant le territoire français.

Je suis partout

Je suis partout

Je suis partout est un hebdomadaire français publié par Arthème Fayard, dont le premier numéro sort le 29 novembre 1930. Pierre Gaxotte est son responsable jusqu'en 1939. Jusqu'en 1942, la rédaction se trouve rue Marguerin à Paris avant de s'installer rue de Rivoli. Journal rassemblant des plumes souvent issues ou proches de l'Action française, il devient, à partir de 1941, le principal journal collaborationniste et antisémite français sous l'occupation allemande. Le dernier numéro est daté du 16 août 1944, et ses rédacteurs sont ensuite jugés et condamnés.

Alain Laubreaux

Alain Laubreaux

Alain Laubreaux, né le 9 octobre 1899 à Nouméa et mort le 15 juillet 1968 à Madrid, est un journaliste et écrivain français.

Claude Roy (écrivain)

Claude Roy (écrivain)

Claude Roy est un poète, journaliste et écrivain français, né à Paris le 28 août 1915 où il est mort le 13 décembre 1997.

André Breton

André Breton

André Breton, né le 19 février 1896 à Tinchebray dans l'Orne et mort le 28 septembre 1966 à Paris 10e, est un poète et écrivain français, principal animateur et théoricien du surréalisme.

Principales productions

Mise en scène, décors et costumes d'André Barsacq
Avec Monelle Valentin (Antigone), Jean Davy (Créon), Suzanne Flon (Ismène), André Le Gall (Hémon), Odette Talazac (la nourrice), Auguste Boverio (le chœur), Edmond Beauchamp (le premier garde), Suzanne Dalthy (Eurydice), R. G. Rembauville (le messager), Jean Mezeray (le page), Paul Mathos et Jean Sylvère (les gardes).
Mise en scène, décors et costumes d'André Barsacq
Avec Catherine Sellers (Antigone), Julien Bertheau (Créon), Francine Bergé (Ismène), Pierre Tabard (Hémon), Andrée Tainsy (la nourrice), Marcel d'Orval (le chœur), Charles Denner (le premier garde), Henriette Palleux (Eurydice), Jean Muselli (le messager), Fred Michel (le page), Paul Mathos et Pierre Moncorbier (les gardes).
Mise en scène de Nicole Anouilh, décors et costumes de Jean-Denis Malclès
Avec Annick Blancheteau (Antigone), Michel Auclair ou Jean Leuvrais (Créon), Marie-Georges Pascal (Ismène), François Siener (Hémon), Gilberte Géniat (la nourrice), Gabriel Cattand ou Pierre Hatet (le chœur), Georges Staquet (le premier garde), Jacqueline Jako-Mica (Eurydice), Edgar Givry ou Pierre-François Pistorio (le messager), Franck Rallot ou Fabienne Lanson (le page), Jean-Pierre Dravel et François Sourbieu (les gardes).
Mise en scène de Éric Civanyan, décors et costumes de André Levasseur
Avec Dolorès Torres (Antigone), Guy Tréjan (Créon), Virginie Lacroix (Ismène), Patrick Coulais (Hémon), Arlette Gilbert (la nourrice), Henri Courseaux (le chœur), Serge Beauvois (le premier garde), Yamina Louled-Montcharmont (Eurydice), Olivier Foreau (le messager), Emmanuelle Debever (le page), Jean-Guillaume Le Dantec et Théo Légitimus (les gardes).
Mise en scène de Nicolas Briançon, décors de Pierre-Yves Leprince, costumes de Sylvie Poulet
Avec Barbara Schulz (Antigone), Robert Hossein (Créon), Elsa Mollien (Ismène), Julien Mulot (Hémon), Julie Kapour (la nourrice), Bernard Dhéran (le chœur), Pierre Dourlens (le premier garde), Bruno Henry (le messager), Claudia Fanni (le page), Dominique Roncero et David Loyola (les gardes).
Mise en scène de Marc Paquien, décors de Gérard Didier, costumes de Claire Risterucci
Avec Françoise Gillard (Antigone), Bruno Raffaelli (Créon), Marion Malenfant (Ismène), Nâzim Boudjenah (Hémon), Véronique Vella (la nourrice), Clotilde de Bayser (le chœur), Stéphane Varupenne (le premier garde), Benjamin Jungers (le messager), Carine Goron (le page), Maxime Taffanel et Laurent Cogez (les gardes).

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André Barsacq

André Barsacq

André Barsacq est un metteur en scène, réalisateur et dramaturge français, né le 5 février 1909 à Théodosie (Crimée) et mort le 3 février 1973 à Paris. Il fut également décorateur, scénographe, animateur et directeur de théâtre.

Jean Davy

Jean Davy

Jean Davy est un comédien français né le 15 octobre 1911 à Puteaux et mort le 5 février 2001 à Paris 16e.

André Le Gall

André Le Gall

André Le Gall, né à Paris le 14 mars 1917 et mort à Bois-Colombes le 25 juin 1974, est un acteur français.

Auguste Boverio

Auguste Boverio

Auguste Louis Boverio, né le 21 février 1886 dans le 11e arrondissement de Paris et mort le 11 avril 1950 dans le 13e arrondissement de cette même ville, est un acteur français.

Edmond Beauchamp

Edmond Beauchamp

Edmond Beauchamp, né le 3 mars 1900, à Montpellier et mort le 3 juin 1985, à Saint-Brieuc, est un acteur français actif des années 1920 à la fin des années 1970. À partir de 1960, il tourne essentiellement pour la télévision.

Jean Sylvère

Jean Sylvère

Albert Meunier dit Jean Sylvère, né le 21 avril 1911 dans le 5e arrondissement de Paris et mort le 17 octobre 1981 à Draveil, est un acteur français.

Catherine Sellers

Catherine Sellers

Jacqueline Andrée Toubiana-Tabbah dite Catherine Sellers, née le 31 octobre 1926 à Paris et morte dans la même ville le 9 mars 2014, est une actrice française.

Julien Bertheau

Julien Bertheau

Julien Bertheau est un acteur, metteur en scène et professeur d'art dramatique français, né le 19 juin 1910 à Alger et mort le 27 octobre 1995 à Nice.

Francine Bergé

Francine Bergé

Francine Bergé, née le 21 juillet 1938 à Neuilly-sur-Seine, est une actrice française.

Andrée Tainsy

Andrée Tainsy

Andrée Tainsy est une actrice belge, née le 26 avril 1911 à Etterbeek (Belgique) et morte le 19 décembre 2004 à Paris 6e (France).

Charles Denner

Charles Denner

Charles Denner, né le 29 mai 1926 à Tarnów (Pologne) et mort le 10 septembre 1995 à Dreux (Eure-et-Loir), est un acteur français.

Jean Muselli

Jean Muselli

Jean Muselli est un acteur français né le 6 septembre 1926 à Caudéran en Gironde et mort le 15 mars 1968 à Paris.

La source: "Antigone (Anouilh)", Wikipedia, Wikimedia Foundation, (2022, December 12th), https://fr.wikipedia.org/wiki/Antigone_(Anouilh).

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Notes et références

Notes

  1. Il semble qu'Anouilh — s'il fait bien référence à l'Affiche rouge — commette une erreur de chronologie : en effet, celle-ci n'a été placardée, selon les historiens, qu'après le 10 février 1944. De plus, certaines sources indiquent que l'essentiel de la pièce avait été écrit dès 1942, à la suite de l'« affaire Collette ».
  2. Pendant l'Occupation, les Allemands qualifiaient les actions de la Résistance d'« attentats terroristes. »
  3. Brasacq n'eut pas à le faire puisque le débarquement de Normandie eut lieu à peine quelques jours plus tard.

Références

  1. BNF 41619270.
  2. 4e de couverture de la première édition, Éditions de la Table ronde, 1946.
  3. a b c d e et f Florence Thomas, « Un Anouilh, des Antigone au répertoire de la Comédie-Française », Comédie-Française, (consulté le ).
  4. a et b Sable 2014.
  5. (en) « Antigone, Jean Anouilh - Context », SparkNotes (consulté le ).
  6. a b c d e et f Thorez 2016.
  7. a b c d e et f Geneviève Latour et Jean-Jacques Bricaire, « Jean Anouilh ou L’Anarchiste réactionnaire - Le théâtre sous Occupation », La Régie théâtrale (consulté le ).
  8. « Episode de la vie d'un auteur », Cahiers de la Compagnie Madeleine Renaud Jean-Louis Barrault, no 26,‎ .
  9. Anouilh 1986, p. 164-168.
  10. Simone Fraisse, Le Mythe d'Antigone, Éditions Armand Colin, , p. 121.
  11. a et b Anouilh 1986.
  12. Olivier Queant, « Antigone », L’Illustration,‎ .
  13. Jean Sauvenay, « L'Antigone de Jean Anouilh », Hier et demain,‎ .
  14. a et b « Antigone de Jean Anouilh », A la lettre (consulté le ).
  15. Anouilh 1986, p. 66.
  16. François Sergent, « Beyrouth, théâtre des opérations », Libération, (consulté le ).
  17. Cf. Antigone, création de 1944 sur A.R.T, La Mémoire du théâtre.
  18. Cf. Antigone, reprise de 1961 dans le Catalogue général de la B.N.F.
  19. Cf. Antigone, reprise de 1975 sur A.R.T, La Mémoire du théâtre.
  20. Cf.affiche d'Antigone, reprise de 1975 sur A.R.T, La Mémoire du théâtre.
  21. Antigone, reprise de 1975 sur Les Archives du spectacle.net.
  22. Cf. Antigone, reprise de 1975 dans le Catalogue général de la B.N.F.
  23. Cf. Antigone, reprise de 1987 sur A.R.T, La Mémoire du théâtre.
  24. Cf. Antigone, reprise de 2003 sur films7.com.
  25. Il existe une captation du spectacle réalisée par Moustapha Sarr en mai 2003 (ISBN 978-2-240-01959-2).
  26. Antigone sur le site de la Comédie-française.
Voir aussi
Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Antigone.

Bibliographie

Source primaire

  • Jean Anouilh, Nouvelles pièces noires : Jézabel, Antigone, Roméo et Jeannette, Médée, La Table ronde, .

Sources secondaires

Vidéographie

Article connexe

Liens externes

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